Entretien exclusif/ Rose Koudjome : Une femme d’action entre engagement social et passion pour le basketball

SOCIETE SPORT

Dans le paysage togolais, certaines figures émergent comme des piliers incontournables du progrès social et du développement sportif. C’est le cas de Madame Rose Koudjome, une femme dont le parcours force l’admiration et inspire toute une génération. Connue pour son engagement en faveur des droits des femmes et son implication indéfectible dans le basketball, elle incarne à la fois la persévérance, la détermination et la vision d’un avenir meilleur pour la jeunesse togolaise.

À l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme, Madame Rose partage avec nous ses réflexions sur la place des femmes dans la société, les avancées et les défis à relever, notamment en matière de sécurité, d’émancipation et d’égalité des chances. Mais au-delà de son combat pour les droits des femmes, elle nous plonge également dans son univers sportif. Fondatrice et présidente du club de basketball Metropolitan Port, elle revient sur son parcours, les obstacles rencontrés et ses ambitions pour hisser le basketball togolais à un niveau d’excellence.

Dans cet entretien exclusif, elle nous livre une analyse sans détour, entre espoir, défis et aspirations.

Planeteinfo :

Bonjour, Madame Rose. Le 8 mars 2025 marque la Journée internationale des droits de la femme dans le monde entier et bien sûr au Togo. Quel message souhaitez-vous adresser à toutes les femmes en cette occasion ?

Rose koudjome :

Le 8 mars est une journée spéciale. C’est un jour où toutes les femmes du monde sont mises à l’honneur. C’est une date mémorable, mais aussi une occasion de célébration. Elle nous rappelle le combat des pionnières, ces femmes qui se sont battues pour obtenir des droits fondamentaux, notamment l’accès au travail.

Mais cette journée doit aussi nous amener à la réflexion, surtout en cette période où notre pays traverse des difficultés. Au-delà des festivités, nous devons penser aux défis qui touchent particulièrement les femmes togolaises. Aujourd’hui, l’insécurité au nord du Togo est un problème majeur qui nous interpelle. En tant que piliers de la famille et repères du foyer, nous, les femmes, devons nous impliquer activement dans la sensibilisation pour éradiquer ce phénomène et éviter qu’il ne s’étende jusqu’à Lomé.

Planeteinfo :

Madame Rose, lorsqu’on parle des droits des femmes, pensez-vous que ces droits sont réellement respectés au Togo ?

Rose koudjome :

Il y a eu des avancées, certes, mais de nombreux défis demeurent. Au-delà de l’insécurité, il faut aussi penser au quotidien des femmes, notamment au pouvoir d’achat et au panier de la ménagère. Quand il y a l’insécurité, il devient difficile de travailler, ce qui impacte encore plus la situation économique des familles déjà précaires.

Nous devons nous mobiliser, non seulement pour la sécurité, mais aussi pour améliorer les conditions de vie des femmes togolaises.

Planeteinfo :

Appartenez-vous à un groupe ou une association de femmes au Togo ? Et quel est votre message en cette journée spéciale ?

Rose koudjome :

Oui, je suis engagée dans plusieurs initiatives en faveur des femmes. En cette journée du 8 mars, j’appelle toutes les femmes à se mobiliser davantage. Il y a certes une volonté politique d’améliorer la condition féminine, mais cela ne suffit pas. Nous devons nous impliquer activement et lutter pour arracher nos droits.

Les femmes togolaises ont déjà prouvé leur valeur. Aujourd’hui, nous avons des femmes à la Primature, à l’Assemblée nationale, à la tête d’entreprises et dans divers secteurs de responsabilité. Nous devons en être fières. Cependant, il reste encore beaucoup à faire, notamment pour les femmes vivant en milieu rural.

Planeteinfo :

Vous soulignez les avancées politiques, mais aussi les défis persistants. Quels sont, selon vous, les domaines où il faut encore lutter ?

Rose koudjome

Il y a encore beaucoup à faire, notamment dans la lutte contre les violences domestiques. Dans certaines régions reculées, des femmes subissent encore des violences dans le silence. Lorsqu’une femme est battue par son mari, elle se retrouve souvent contrainte de rester, car le lendemain, il revient lui présenter des excuses avant de recommencer.

Nous devons briser ce silence et trouver des solutions pour protéger ces femmes. L’éducation, la sensibilisation et l’autonomisation économique sont essentielles pour y parvenir.


Le Basketball : un engagement au-delà du sport

Planeteinfo :

En dehors de votre engagement pour les droits des femmes, vous êtes également impliquée dans le basketball. Pouvez-vous nous parler de votre équipe et de votre parcours dans ce domaine ?

Rose koudjome:

Oui, je suis la présidente du club de basketball Metropolitan Port. J’ai eu l’idée de créer ce club dans les années 1996, à une période où le Togo traversait de fortes tensions sociales et politiques. J’ai alors cherché un moyen de transcender ces divisions, qu’elles soient ethniques, régionales ou religieuses.

J’ai choisi le basketball, un sport élégant, intelligent et fédérateur. À travers ce club, mon objectif était non seulement de promouvoir le sport, mais aussi d’offrir une opportunité aux jeunes d’avoir un avenir meilleur.

Planeteinfo :

Comment se porte votre équipe aujourd’hui ? Quels sont vos objectifs pour la nouvelle saison ?

Rose koudjome :

L’équipe se porte bien et les joueurs sont en pleine forme pour affronter la saison 2024. Nous avons des équipes seniors, minimes et cadettes. Nous avons déjà remporté plusieurs trophées, notamment dans les catégories jeunes.

Notre objectif cette année est d’aller encore plus loin, de viser la finale et de ramener le trophée à la maison. Nous ne sommes pas un club qui joue juste pour le maintien, nous voulons être compétitifs et marquer l’histoire du basketball togolais.

Planeteinfo:

Après 25 ans à la tête du club, quels sont vos plus beaux souvenirs et vos plus grands défis ?

Rose koudjome :

Mon plus beau souvenir, c’est d’avoir contribué à la formation de nombreux jeunes qui, aujourd’hui, évoluent sur la scène internationale. Même s’ils ne sont pas tous devenus des stars mondiales, ils ont trouvé leur voie grâce au basketball.

Je suis aussi fière d’être la seule femme au Togo à avoir créé un club avec un terrain de basketball financé sur mes propres fonds. Ce terrain a été sollicité par plusieurs institutions, comme le lycée de la place et certaines écoles privées, pour l’entraînement des jeunes.

Côté défis, il y a malheureusement un manque de soutien de la part de l’État et de la Fédération. Depuis 25 ans, je n’ai jamais reçu une seule subvention pour le club. Les présidents de club se battent avec leurs propres moyens, alors que l’État devrait accompagner ces initiatives.

De plus, il y a une mauvaise gestion au niveau de la Fédération, souvent marquée par la corruption et le favoritisme, ce qui démotive les joueurs. Pour former des stars comme LeBron James ou Stephen Curry, il faut une structure solide et un encadrement de qualité, ce qui nous manque encore.

Planeteinfo :

Quels sont vos rêves pour l’avenir de votre club et du basketball togolais ?

Rose koudjome :

Mon plus grand rêve, c’est de voir nos joueurs évoluer dans de grandes compétitions internationales, pourquoi pas en NBA ! Nous avons le potentiel, notamment avec nos jeunes qui mesurent déjà plus de 2 mètres.

Mais au-delà du talent naturel, il faut du travail. Les jeunes doivent comprendre que le succès ne vient pas sans effort. Lorsque nous avons eu des entraîneurs chinois ici, ils nous ont dit que dans leur pays, les joueurs s’entraînent matin et soir, tous les jours. Nos jeunes doivent adopter cette discipline s’ils veulent atteindre le plus haut niveau.

Planeteinfo :

Pour conclure, quel message souhaitez-vous adresser à la jeunesse et aux Togolais en général ?

Rose koudjome :

Le travail est la clé de la réussite. Peu importe d’où l’on vient, ce qui compte, c’est la détermination et l’effort. Plutôt que de passer du temps à critiquer, il faut se donner les moyens de réussir.

Je souhaite que le Togo continue à progresser, que nos jeunes trouvent leur voie et que nous puissions, ensemble, bâtir un pays plus fort. Merci de m’avoir donné la parole et vive les femmes togolaises, vive le basketball, et vive le Togo !


Planeteinfo :: Merci à vous, Madame Rose, pour cet entretien inspirant !