« Mémoire en éveil, silence rompu » : Le Togo s’unit au Rwanda pour conjurer l’oubli

POLITIQUE SOCIETE

Le 29 avril 2025, Lomé s’est faite vigie de l’Histoire, sentinelle d’un passé sanglant que l’Afrique refuse désormais d’enfouir. Sous l’impulsion de la communauté rwandaise résidant au Togo, avec le concours précieux de l’Ambassade du Rwanda et le soutien engagé des autorités togolaises, un symposium d’une intensité rare s’est tenu dans la capitale togolaise.

L’événement, premier du genre sur le sol togolais, s’est voulu hommage aux plus d’un million de vies fauchées durant le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994. Mais au-delà du deuil, c’est la mémoire militante qui a été convoquée, mémoire active et solidaire, mémoire qui interroge et qui enseigne.

Au cœur de la cérémonie, un parterre de diplomates et de hautes personnalités :

  • Mme Rosemary MBABAZI, Ambassadeur de la République du Rwanda au Togo,
  • Mme Coumba Sow, représentante résidente du système des Nations Unies au Togo,
  • M. Afo Salifou, secrétaire général du ministère togolais des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’extérieur,
  • des ambassadeurs de pays amis, des représentants d’institutions internationales, des leaders communautaires, des intellectuels, mais aussi une jeunesse venue écouter, comprendre, et s’engager.

Ce rassemblement s’inscrivait dans le cadre de la 31e commémoration du génocide des Tutsis, dont l’ouverture officielle s’est tenue le 7 avril dernier à Kigali, date à jamais gravée dans la chair de l’humanité. Ce jour-là, en 1994, s’ouvrait au Rwanda l’un des épisodes les plus macabres du XXe siècle : un génocide orchestré en pleine lumière, qui fit plus d’un million de morts en seulement cent jours.

La mémoire comme rempart contre le chaos

Dans son discours poignant, Mme Rosemary MBABAZI a rappelé que le devoir de mémoire ne saurait être dilué par le passage du temps.
« Le Rwanda, a-t-elle dit, a traversé les ténèbres, mais il a choisi la lumière. Nous avons appris, nous avons reconstruit, et aujourd’hui nous refusons de taire les blessures. »
Elle a exhorté les jeunes à se faire gardiens vigilants de la vérité historique, à « fermer toutes les portes à la haine » et à œuvrer pour un monde fondé sur l’amour, la justice, la vérité et la dignité humaine.

Dans une prise de parole tout aussi marquante, M. Afo Salifou, représentant du gouvernement togolais, a réaffirmé l’engagement du Togo en faveur des principes de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Il a salué « le courage et la résilience exemplaires du peuple rwandais, qui a su transformer la douleur en socle de développement. »

Quand l’Afrique se regarde dans les yeux de l’autre

Pour Pascaline NDAYAMBADJE, présidente de la communauté rwandaise au Togo, cette commémoration est un appel à la vigilance collective, une alerte adressée aux consciences africaines, en particulier à la jeunesse, souvent ciblée par les idéologies les plus perfides.
« Il ne suffit plus de pleurer les morts, a-t-elle lancé, il faut refuser les germes qui nourrissent la haine, les replis identitaires, les exclusions ethniques. Le Rwanda nous enseigne que le pire est possible quand la société ferme les yeux. Mais il nous montre aussi que l’espoir est permis lorsque les peuples se relèvent. »

Ce symposium fut plus qu’un hommage : il fut un serment. Un serment fait au passé, pour qu’il ne se répète pas ; un serment au présent, pour que la vérité ne soit pas travestie ; un serment à l’avenir, pour que la paix devienne une culture et non une exception.

En alliant mémoire, pédagogie et diplomatie, le Togo a offert à l’Afrique une tribune de lucidité. Il a prouvé que la solidarité continentale ne se limite pas aux mots, mais qu’elle s’exprime aussi dans le partage des douleurs, dans l’hospitalité offerte à la mémoire, dans le refus de détourner le regard.

Ce moment solennel à Lomé nous rappelle que le génocide rwandais, s’il s’est déroulé dans un pays, concerne tous les peuples. Car l’indifférence est la première marche vers l’inhumanité.

Le Rwanda, hier brisé, est aujourd’hui debout. Non par miracle, mais par mémoire. En nous joignant à lui, le Togo a réaffirmé cette évidence : l’histoire n’est pas une cicatrice honteuse à cacher, mais une étoile douloureuse à suivre pour éclairer le chemin.