À Lomé, ce 13 Mai 2025 lors de la deuxième journée de la Conférence de l’Union Africaine sur la dette, les parlementaires africains se sont réunis autour d’une table ronde déterminante. En jeu : redéfinir leur rôle dans la supervision, la viabilité et la légitimation de l’endettement public en Afrique.
Dans le souffle de réformes qui traverse le continent, la deuxième journée de la Conférence de l’Union Africaine sur la dette a donné une tribune singulière aux voix parlementaires. Car si l’exécutif contracte, encore faut-il que le législatif contrôle. Et c’est bien de cela qu’il fut question dans une table ronde animée et essentielle : « Supervision législative et responsabilité en matière de dette publique : le rôle du parlement dans la viabilité de la dette en Afrique ».
Cette session de haut niveau a réuni des figures parlementaires de premier plan : Semodji Mawussi Djossou (Togo), Traoré Issouf (Côte d’Ivoire), Botoman Mark Lazarous (Malawi), Abena Osei-Asaré (Ghana) et Gérard Gbénonchi (Bénin). Ensemble, ils ont mené une réflexion lucide sur ce que signifie superviser l’endettement public dans un continent en quête de souveraineté budgétaire.
Le débat n’a pas tourné autour du simple principe de contrôle, mais de la responsabilité partagée que les Parlements doivent incarner dans l’élaboration des trajectoires économiques. La dette, ont-ils rappelé, n’est pas seulement une affaire de chiffres, mais d’équité, de légitimité et de transparence.
Les discussions ont mis en lumière les obstacles structurels à l’implication parlementaire : délais réduits d’examen budgétaire, manque de données, absence d’unités techniques spécialisées, voire marginalisation institutionnelle.
Pourtant, comme l’a souligné le député togolais Semodji Mawussi Djossou, le rôle du Parlement ne peut se limiter à valider a posteriori les dettes contractées : il doit interroger en amont l’utilité des projets financés. « Il faut aller à la racine : quels projets sont financés par la dette ? Servent-ils réellement à produire, à soulager, à transformer ? » a-t-il insisté, appelant à une lecture critique et citoyenne des portefeuilles de projets.
Plaidoyer pour des outils parlementaires renforcés
Le député Gbénonchi du Bénin a, quant à lui, plaidé pour l’armement technique et institutionnel des parlements africains. Selon lui, le Parlement doit devenir un centre de gravité du débat budgétaire, et non sa simple chambre d’écho. Il a évoqué des initiatives inspirantes comme la plateforme “Open Debt” au Ghana ou les législations sur la transparence de la dette adoptées au Sénégal et au Kenya.
Sa recommandation est claire : voter des lois exigeant des études d’impact préalables, renforcer les unités techniques internes, et ouvrir le débat public à la société civile pour une redevabilité active et continue. Car pour lui, « la dette n’est pas un mal en soi : elle devient toxique quand elle échappe à la raison, à la rigueur et à la responsabilité. »
L’un des messages les plus puissants de cette table ronde fut de rappeler que le Parlement est la boussole morale et institutionnelle de toute démocratie. Dans la gouvernance de la dette, il doit être le garant de la soutenabilité, mais aussi de la légitimité sociale des emprunts.
Il ne s’agit plus simplement de calculer des ratios, mais de comprendre à quoi sert chaque emprunt, qui en bénéficiera, et comment il sera remboursé sans sacrifier les générations futures. La dette doit être pensée comme levier de transformation et non comme une dette d’oubli envers les peuples.
En donnant la parole aux députés, la Conférence de Lomé a rétabli une vérité trop longtemps occultée : la dette engage toute la République. Et le Parlement, en tant qu’organe de contrôle et de légitimation, doit retrouver sa place dans les décisions financières majeures.
Cette table ronde n’a pas été un simple exercice de style, mais un plaidoyer pour une gouvernance partagée, éclairée et alignée sur les intérêts collectifs. Car, comme l’a résumé un des panélistes : « L’Afrique ne gagnera la bataille de la viabilité qu’en écoutant toutes ses voix — et celles du peuple passent d’abord par ses élus. »