Rapport Amnesty 2025 : Entre Manque de Méthode et Jugement Précipité

POLITIQUE SOCIETE

Depuis des décennies, Amnesty International s’érige en vigie des droits humains, prétendant tenir haut le flambeau de la justice universelle. Une noble mission, certes. Mais au fil des ans, l’ONG semble vaciller sur l’autel de la cohérence, soufflant tour à tour le chaud et le froid, au gré des vents numériques. Son dernier communiqué sur le Togo, daté du 17 juin 2025, en est une illustration édifiante : un réquisitoire rapide, rédigé dans l’urgence, davantage alimenté par les réseaux sociaux que par un travail de terrain méthodique. Une posture qui interroge, et surtout, qui inquiète.

Quand les pixels remplacent les preuves : une alerte au goût d’improvisation

Sous le titre alarmant « Les autorités doivent enquêter sur les allégations de torture sur des manifestant·e·s et cesser de réprimer les voix dissidentes », Amnesty International déploie un communiqué tranchant. Celui-ci fait état de violations des droits humains survenues lors des manifestations interdites des 5 et 6 juin 2025 à Lomé.

Mais derrière la gravité du ton, la légèreté des sources étonne. Aucun enquêteur n’est nommément cité, aucune expertise indépendante, aucun rapport médical ou judiciaire ne vient étayer les faits dénoncés. Le document s’appuie principalement sur des vidéos virales circulant en ligne, sans contextualisation, ni vérification rigoureuse. Or, dans une ère saturée de montages, de deepfakes et d’intox en boucle, la vérité ne saurait naître d’un simple buzz. Un rapport digne de ce nom se construit sur des fondations solides, pas sur des échos numériques.

Ce n’est pas la première fois que l’ONG concentre l’essentiel de ses critiques sur les pays africains, et plus particulièrement le Togo. Une sévérité répétée, presque obsessionnelle, qui interroge sur les critères de sélection des causes. Pendant que Lomé est pointé du doigt à la moindre étincelle, les grandes tragédies de notre époque – bombardements de civils à Gaza, exactions en Ukraine, répressions en Iran – peinent à susciter une alarme équivalente dans les bureaux de l’ONG.

Serait-ce plus aisé de fustiger les États aux moyens diplomatiques modestes ? Ou bien les projecteurs d’Amnesty sont-ils réglés sur une fréquence sélective, aveugle à certaines douleurs, sourde à certaines injustices ? Une impartialité fragmentée n’est plus une justice universelle. C’est une indignation à la carte, parfois dictée par des agendas invisibles.

Des antécédents qui laissent des traces : le traumatisme des “plages macabres”

Les Togolais n’ont pas oublié une autre sortie controversée d’Amnesty : un rapport évoquant « des centaines de cadavres retrouvés sur les plages de Lomé ». Une affirmation spectaculaire… mais jamais vérifiée. Aucun témoignage crédible, aucun rapport officiel, aucune trace judiciaire. Juste une rumeur habillée d’un vernis humanitaire. Cette dérive sensationnaliste a durablement entamé la crédibilité de l’organisation dans l’opinion publique togolaise. Lorsqu’on clame sans preuve, on décrédibilise les causes qu’on prétend défendre.

L’État de droit ne se gouverne pas à coups de hashtags

Le Togo, État républicain fondé sur la primauté du droit, ne saurait être jugé sur la base d’émotions digitales ou d’indignations numériques. Toute manifestation, pour être légale, doit être préalablement déclarée – condition sine qua non d’un ordre public préservé. L’intervention des forces de l’ordre, dans ce cadre, s’effectue selon les lois de la République. Cela ne dispense nullement les autorités d’enquêter sur toute allégation de violence disproportionnée. Mais encore faut-il que l’accusation repose sur des faits, des preuves, des procédures. Pas sur un enchaînement de tweets et de vidéos sorties de leur contexte.

Le respect des droits humains n’est pas une option. C’est une exigence. Mais elle s’adresse aussi à ceux qui les dénoncent. Car une accusation sans fondement nuit à la cause autant qu’une violation impunie.

Pour une Amnesty plus juste que médiatique : une introspection s’impose

À l’heure des infox virales et des opinions instantanées, Amnesty International doit réapprendre à prendre son temps. Le temps de l’écoute, le temps de l’enquête, le temps de la mesure. Il ne s’agit pas de se taire, mais de parler juste. L’ONG gagnerait à adopter une grille d’analyse globale, équilibrée, où chaque continent, chaque crise, chaque victime ait la même valeur, la même attention, la même considération.

Car la démocratie ne grandit pas sous les coups de projecteurs partiaux, mais dans la lumière tamisée de la vérité patiemment établie. Le Togo n’a pas besoin de procureurs internationaux à la plume facile. Il a besoin de partenaires honnêtes, rigoureux et respectueux. De ceux qui dénoncent avec preuves, pas avec panique.

L’humanité souffre. Et ceux qui en portent la parole doivent le faire avec probité, avec gravité, et avec la conscience que leurs mots peuvent blesser autant qu’ils peuvent libérer. Au moment où le monde bascule entre conflits, désinformations et instabilités, Amnesty International est invitée à se regarder dans le miroir : celui de l’universalité qu’elle prêche, mais qu’elle applique trop rarement. Le droit n’est pas un drapeau à brandir, c’est une balance à tenir en équilibre. C’est dans cette équité que réside la vraie force du combat pour les droits humains.