À Lomé, l’Afrique fait ses comptes et délie les nœuds de sa dette

ECONOMIE POLITIQUE

Faure Gnassingbé donne le ton d’une symphonie continentale pour une nouvelle gouvernance économique. Ce lundi matin, 12 Mai 2025 , la capitale togolaise s’est transformée en agora panafricaine où résonnent les grandes voix du continent autour d’un sujet aussi épineux que central : la dette publique africaine. Pour la première fois dans l’histoire de l’Union africaine, une conférence exclusivement dédiée à cette problématique cruciale s’est ouverte à Lomé, avec pour objectif ambitieux de redéfinir les contours d’une architecture souveraine, solidaire et structurante de la dette en Afrique.

Au pupitre, le président Faure Essozimna Gnassingbé, hôte de marque et maître de cérémonie, n’a pas mâché ses mots. Dans un discours à la fois dense, lucide et habité d’une verve stratégique, il a planté le décor d’un plaidoyer africain sans fioritures ni faux-fuyants :
« Cette conférence est une conférence sur la dette, bien sûr, mais c’est surtout une conférence sur notre avenir », a-t-il lancé, tel un prélude solennel à une partition collective que les dirigeants africains devront désormais jouer à l’unisson.

Le chef de l’État togolais a dénoncé les grilles d’analyse « obsolètes et contre-productives » imposées aux pays du Sud, les enfermant dans des logiques d’austérité mécanique, au détriment de leur transformation économique et sociale. Il a invité à un renversement paradigmatique, en troquant la surveillance inquisitrice contre la confiance partenariale, en érigeant la dette non plus en camisole budgétaire mais en levier de progrès durable.

« Nous avons besoin d’une nouvelle doctrine où la dette devient un outil de développement », a-t-il martelé, insistant sur la nécessité d’intégrer à l’analyse de soutenabilité de la dette les impératifs de sécurité, de transition climatique et de développement humain.

Dans un message subtilement adressé aux bailleurs internationaux, le président togolais a affirmé, non sans hauteur de vue :
« Financer l’Afrique, c’est investir dans la stabilité globale. Il ne s’agit pas de charité, mais de responsabilité partagée. » Une formule percutante, à la fois appel et avertissement, qui replace l’Afrique dans le concert des nations comme acteur de son destin, et non simple figurant endetté.

Aux côtés du président togolais, plusieurs figures emblématiques du continent ont pris la parole. Le président de la Zambie, Hakainde Hichilema, ainsi que l’ancien président du Ghana, John Dramani Mahama, ont joint leurs voix à cet élan collectif. Ce dernier a notamment souligné la nécessité d’un ancrage parlementaire fort dans la gestion de la dette, plaidant pour une gouvernance plus transparente et orientée vers des projets à fort retour social et économique.
« L’Afrique doit parler d’une seule voix et tracer une voie commune », a-t-il affirmé, esquissant les lignes d’une diplomatie financière panafricaine.

Le ministre togolais de l’Économie, Essowè Georges Barcola, a quant à lui salué le choix de Lomé pour accueillir cette conférence inédite. Pour lui, ce choix traduit la stabilité politique, l’engagement régional constant et la vocation diplomatique reconnue du Togo sur la scène continentale. Il a invité à sortir de la lecture arithmétique des ratios pour embrasser les complexités économiques propres à chaque État africain :
« La dette africaine ne peut être lue uniquement à travers des ratios », a-t-il insisté avec justesse.

Également présents, de hauts dignitaires de l’Union africaine et des institutions économiques du continent, dont Dr Patrick Ndzana Olomo (Commission de l’Union africaine), Claver Gatete (CEA), et Moses Vilakazi, représentant le développement économique et industriel, ont apporté un éclairage technique et politique à ces travaux de haute voltige.

L’objectif ultime de ce rendez-vous historique ? L’adoption d’une “Déclaration de Lomé”, qui viendrait sceller un nouveau pacte de gouvernance de la dette, nourri d’intelligence collective et d’audace politique. Une boussole pour les temps à venir, afin que la dette ne soit plus un fardeau, mais un pont vers les lendemains qui chantent.