CABARET BRÉSIL : quand les chaînes de l’Histoire résonnent en accords majeurs

CULTURE SOCIETE

Le rideau ne s’ouvrira pas sur un simple concert. Non. Il s’agira d’un chant d’ombres et de lumières, d’un théâtre où les mots dansent avec les tambours pour raviver les silences de l’Histoire. Le jeudi 10 avril 2025 à 19h, la scène du Magic Mirrors de l’Institut français du Togo se fera caisse de résonance d’une mémoire trop longtemps confinée dans les marges : celle de la traite négrière transatlantique.

Cabaret Brésil, c’est le nom de ce spectacle incandescent, cette “sortie de résidence” qui ne sort pas de nulle part. Puisée dans les pages du roman Esclaves de Kangni Alem, nourrie par la mise en scène engagée de Gaëtan Noussouglo et Marcel Djondo, cette œuvre collective convoque le théâtre, la musique, la poésie et l’humour comme autant de boucliers contre l’oubli.

Sur scène, une troupe bigarrée d’artistes togolais et béninois — Florisse Adjanohoun, Sophie Métinhoué, Félicité Notson Kodjo-Atsou, entre autres — déploie un récit polyphonique, où chaque note et chaque réplique semblent portées par les vents croisés de l’Atlantique. Le rire s’invite au cœur du tragique, car le cabaret ose : il bouscule, il pique, il provoque… mais toujours avec grâce.

Un concert-party qui fait parler les chaînes

Ce “concert-party” ne verse ni dans le pathos, ni dans la leçon moralisatrice. Il opte plutôt pour l’irrévérence maîtrisée, le verbe franc et la mise en abîme, dans la plus pure tradition des bobs, ces conteurs populaires à la parole affûtée comme une machette dans la brousse des hypocrisies historiques. L’humour y devient un outil de résistance, la musique un exutoire, la scène un champ de bataille où se rejoue l’éternelle lutte pour la dignité.

Cabaret Brésil, c’est aussi une prouesse technique et esthétique : lumières pensées par Daniel Duévi-Tsibiaku, vidéo signée Arthur Poutignat, direction d’acteurs millimétrée. C’est l’alliance du fond et de la forme, du cri et de l’éclat, du crié et du chanté

Gratuit dans son accès mais inestimable par son propos, ce cabaret ne s’adresse pas seulement aux mélomanes ou aux amateurs de théâtre : il interpelle toute conscience prête à écouter les non-dits de l’Histoire. En s’invitant au cœur de la scène togolaise, il rappelle que les chaînes les plus tenaces sont parfois celles que l’on ne voit plus.