Il est des jours où l’université cesse d’être un simple espace de savoir pour devenir un haut lieu de conscience. Ce jeudi, 22 Mai 2025 , la Salle Professeur Ahadzi-Nonou de l’Université de Lomé s’est muée en sanctuaire de la pensée panafricaine et de la poésie engagée, à l’occasion de la double dédicace des ouvrages de Jean-Christophe Koudjo ADANOU. Un moment de grâce intellectuelle, porté par les Éditions Awoudy, rehaussé par la présence de figures académiques de renom, de penseurs rigoureux, de poètes éveillés et de passionnés de la chose littéraire.
La parole de l’auteur : la modestie d’un témoin, la foi d’un bâtisseur
C’est avec une humilité empreinte de profondeur que Jean-Christophe Koudjo ADANOU, se définissant comme un « apprenti poète », a pris la parole. Un apprenti, certes, mais dont chaque mot résonne comme un manifeste. Il a d’abord exprimé sa reconnaissance aux figures qui ont éclairé son chemin, à commencer par le Professeur Noubert Zissi. Puis, d’une voix posée mais habitée, il a déclaré que cette rencontre était celle de la pensée et du verbe, une communion rare au service d’un idéal : voir l’Afrique se penser, s’aimer, se relever.
« Notre continent est blessé mais pas brisé, morcelé mais pas disloqué, écartelé mais toujours debout« , a-t-il martelé, rappelant que la littérature n’est pas une fuite mais une forme de lutte, une manière de dire l’Afrique autrement, de l’imaginer autrement, de la rêver ensemble.
Premier ouvrage : une radioscopie lucide des blocages de l’intégration africaine
Son premier livre, Les Obstacles à l’intégration socio-économique intra-africaine, est un traité lucide, rigoureux et frontal. Il y dresse un état des lieux sans concession des entraves multiples – historiques, politiques, culturelles, psychologiques – qui freinent l’unité du continent. Mais plus qu’un constat, c’est un appel structuré à la transformation, avec des pistes concrètes : coopération renforcée, convergence des politiques, mise en valeur des ressources internes, mobilisation des intelligences endogènes.
Avec vigueur, l’auteur a affirmé que « l’Afrique ne peut éternellement tendre la main ; elle doit tendre vers elle-même. » Il y appelle à un panafricanisme d’action, qui bâtit les fondations d’une souveraineté réelle, non plus seulement territoriale, mais économique et culturelle.
Deuxième ouvrage : un cantique poétique pour un continent d’hier, d’aujourd’hui et de demain
Afrique en poésie est l’autre versant, plus sensible mais tout aussi percutant, de cet engagement. Ce recueil est une ode vibrante aux grandes voix du panafricanisme, à ces géants tombés mais non éteints : Lumumba, Sankara, Nkrumah, Olympio, Eyadéma, et tant d’autres.
Mais loin de n’être un tombeau de souvenirs, l’œuvre est aussi un souffle d’espérance, un dialogue entre passé glorieux et futur à inventer. Car « le continent a besoin de têtes froides et de cœurs brûlants », de l’analyse et du rêve, du mot et du feu. Ce recueil devient ainsi un manifeste poétique, une parole qui ne panse pas seulement les plaies, mais réveille les consciences et aiguise les volontés.
Un double serment pour une renaissance africaine
Dans une conclusion aussi vibrante qu’exhortative, Jean-Christophe Koudjo ADANOU a affirmé que ses deux ouvrages, bien que différents dans leur forme, participent d’un même serment : croire en l’Afrique avec lucidité et espérance, croire en sa capacité de se redéfinir, de se reconstruire, de se réinventer.
« L’heure n’est plus aux lamentations. L’Afrique est sa propre réponse. Nous sommes notre propre solution. » Ce cri du cœur, élevé avec dignité et conviction, sonne comme une profession de foi continentale, portée par une plume à la fois incisive et inspirante.
L’institution universitaire au diapason de l’engagement
Représentant le Président de l’Université de Lomé, le Professeur Joseph Tsigbé a salué avec justesse la profondeur des réflexions partagées, affirmant que l’Université ne peut rester spectatrice des débats qui forgent le devenir du continent. Son intervention a inscrit l’événement dans la continuité d’un engagement académique pour l’Afrique, légitimant la pensée critique comme outil de souveraineté.
Épilogue d’un acte fondateur
Ce moment de partage a dépassé les attendus d’une simple dédicace. Il fut une déclaration d’intention, un manifeste en deux volumes, une passerelle entre la rigueur scientifique et la fulgurance poétique, entre l’analyse des faits et l’éveil des âmes. Oui, ce jour-là, à Lomé, l’Afrique s’est lue, s’est dite, s’est rêvée – et surtout, s’est promise à elle-même.